8 Mars après la manif vers 16h au Prolé, Hommage à Madeleine Riffaud et texte de Muriel Blachère et Babeth Aubrac



Madeleine Riffaud, résistante, poétesse, reportrice de guerre, journaliste à l'Huma s'est éteinte à 100 ans en Novembre 2024. Nous avons voulu rendre hommage à cette grande Dame et nous avons demandé  à Mademoiselle M d'y participer. A découvrir après la manif.


 Texte de Muriel Blachère

Madeleine riffaud, la résistante, poétesse et journaliste, qui couvrit pour l’Humanité les guerres d’Algérie et du Vietnam, s’est éteinte à l’âge de 100 ans.

Une héroïne s’en est allée. Son legs : tout un siècle de combats. Madeleine Riffaud, poétesse, résistante, an- cienne journaliste à l’Humanité, est décédée le 6 novembre dernier. Elle était un personnage de roman, à l’existence tramée par la lutte, l’écriture, trois guerres et un amour. Une vie d’une folle intensité, après l’enfance dans les décombres de la Grande guerre, depuis ses premiers pas dans la Résistance jusqu’aux maquis du Sud-Vietnam.

Quand je suis entrée au journal l’Humanité en 1976, voilà près de cinquante ans... et oui. J’avais lu ses articles contre les guerres du Vietnam et de l’Algérie, lu son livre «Les linges de la nuit», elle faisait déjà partie de mon «panthéon» des Femmes admirables. Je l’ai croisée dans les couloirs de la rue du faubourg Poissonnière, à la cantine du journal, toujours souriante, toujours sa natte sur le côté et prête à te parler, t’écouter. Et, lorsque par chance avec mes camarades, nous déjeunions à ses côté, nous n’avions de cesse de la questionner, de l’écouter nous raconter avec une modestie incroyable son, ses vies, bouche bée. En fait, Il n’y a pas assez de mots pour témoigner sur cette femme d’exception.

C’est pourquoi je reprendrai parfois les mots prononcés par Babeth Aubrac, fille de Lucie et Raymond Au- brac lors de son inhumation.

Il y a du sens à rappeler Lucie et Raymond Aubrac parce que les engagements de Madeleine furent aussi les leurs : la Résistance, la Décolonisation, la proximité avec le Parti Communiste, la bagarre contre les injustices de toutes espèces.

Il y a du symbole parce qu’elles, ils sont toutes, tous des exemples de courage et d’honnêteté civique, toutes ces femmes et ces hommes qui partaient pour de vrai, physiquement et intellectuellement, à l’assaut des assassins de la Liberté.

Ce sont ces idéaux qui ont conduit Madeleine tout au long de sa vie, ils passent par les voies des amitiés so- lides.

Voilà... Madeleine s’en est allée...
Madeleine est une Femme de Cœur en Majesté.
Il en a fallu du cœur pour s’engager pendant un siècle sur les routes qu’elle a choisies.

Il n’y a pas assez de mots pour exprimer toute l’originalité de cette femme d’exception. Madeleine a orchestré sa vie avec une fantastique lucidité et un optimisme aussi conquérant que celui qui habitait ses compagnes et compagnons.

Un siècle d’audaces, d’engagements, de passions, guidées par une volonté hors norme. Dans l’un de ses poèmes, Traquenard, Madeleine scande sa peur :

Peur des bottes 

Peur des clefs 

Peur des portes 

Peur des pièges

Oh ! elle a évidemment eu d’autres peurs, en bien des occasions, et sous bien des cieux, mais tout prouve qu’elle l’a domestiquée cette Peur !

N’est-ce pas là aussi les qualités du cœur ?

Tant d’années de vigilance pour combattre les ignominies du fascisme et du nazisme en France, puis du colonialisme en Indochine, en Algérie, au Vietnam, pour pourfendre les injustices qui ne connaissent ni les frontières, ni les métiers, ni les âges, ni les sexes, pour être l’avocate des opprimés et des sans grades...

Ses Amies.s Vietnamiennes,Vietnamiens, Algériennes, Algériens savent avec quelle fougue Madeleine a re- joint les partisanes et partisans qui ont libéré leurs pays.

Elles, Ils l’ont honorée de leur reconnaissance, mieux,elles,ils lui ont offert leur amitié et leur fidélité.

Ses Amies du musée de la Résistance de Champigny, des associations de Résistantes, Résistants, du Secours Populaire, de l’Association France-Vietnam, amis·es syndicalistes, amis·es politiques, amis·es des droits des femmes, amis créateurs de sa bande dessinée, étaient là pour témoigner des exigeantes convictions altruistes de Madeleine.

N’est-ce pas encore ici la générosité du cœur ?

Lutter contre les violences de la maladie, l’insupportable cécité qui annihile la liberté d’écrire et de lire à son gré, mépriser la vieillerie qui ratatine le corps et flétrit la beauté, entretenir jusqu’au dernier jour la force de se redresser pour
approuver ou réfuter une idée ou un souvenir.

Rester coquette malgré tout ce cortège d’exaspérations de la déchéance, et donc réfréner du mieux possible, pas toujours, les colères, les impatiences...

Et si le cœur de Madeleine a pu battre aussi longtemps avec acharnement, c’est parce qu’elle a été entourée par une garde rapprochée tellement précieuse, tellement efficace.

Cette garde s’est depuis des années constituée en rempart contre les foultitudes de tracas ménagers, d’impéra- tifs de santé, de complications journalières.

Des femmes et des hommes, avec une merveilleuse ponctualité, et des conditions quelquefois bien compli- quées, ont œuvré pour que Madeleine vive, tout simplement vive...

Toutes, Tous lui en sont tellement reconnaissant.es !

Là encore, n’est-ce pas le cœur de Madeleine qui a eu l’immense pouvoir de surseoir à la disgrâce de la vieil- lesse ?

Des décennies de fantaisies, de curiosités, d’amours, de rires, de fêtes, de créations, tant poétiques que litté- raires.

Des cigares précieux, des chocolats choisis, des whiskys ambrés, des fleurs de la rue de Turenne, des amis, et des amis, et des amis...

Elles, Ils étaient celles et ceux qui comme elle, se sont dévoué·es à la Liberté et à la Fraternité.
Babeth Aubrac : Quand nous allions la voir dans son nid, ses nids, de la rue Villehardouin, nous commen-

cions par grimper les étages. Ils sont raides ces escaliers !

Ils donnent le temps d’anticiper le beau sourire qui accueillera notre visite.

Nous savons déjà la brillance des yeux, malgré les lunettes noires.

Là-haut c’est un festival d’histoires, servies par une verve pleine d’humour. Un flot de noms qu’on est prié de connaître ou pour le moins d’identifier.

Commencent alors des échanges enrichis, fleuris, de souvenirs fantastiques... Madeleine avait si fort à cœur de garder les liens de la voix, donc de la vie.

Témoigner et raconter, pour que la vie n’ait pas été vaine. Pour que se transmettent les élans du cœur, ces élans qui ont permis que son destin s’inscrive dans quelque chose de grand.

C’était tellement ça aussi le cœur de Madeleine.

Maintenant, il nous reste, ici, aux Ami.es du Prolé, au 2e festival féministe, une tâche bien difficile. Nous nous y attelons déjà et nous souhaitons faire des émules.

Cette tâche difficile, c’est celle de transmettre. Transmettre le message que
Madeleine a si bien su relayer, sans baisser la garde. C’est-à-dire, servir l’Humanité avec pugnacité, optimisme, constance, et enthousiasme.

Le voilà le cœur de Madeleine qui battait pour nous tous.
Madeleine Riffaud c’est un siècle d’audaces, d’engagements, de passions, guidés par une volonté hors norme.»

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